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"risque zéro" : nouveau paradigme ?

lambdaprime Par Le 15/05/2015 à 20:28 0

"Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux."

(Benjamin Franklin)

 

Si on prend un peu de temps et de recul sur les grandes évolutions sociétales, on constate parfois avec effroi le résultat de nos soi-disant “progrès humain”. 

Il faut dire que la mise en œuvre d’idées quelqu’elles soient, produit une énergie cinétique qui nous emporte facilement au delà de la raison (système du balancier).

Je prends exemple, ici, le sacro-saint précepte de « la sécurité », sensé aider les personnes (et les collectifs) à faire disparaître les risques inhérents à toute action ou décision.

S’il est sain - et raisonnable - de réfléchir avant d’agir, d’ordonner ces actions afin de prévenir d’éventuels dégâts collatéraux qui pourraient survenir, cela l’est beaucoup moins voire absurde si cela est disproportionné :

-     Dans le domaine professionnel, il faut savoir évaluer le coût relatif au « risque zéro » et, derrière, sa pertinence réelle.

-     Dans la sphère privée, il faut être bien conscient que pour chacun, l’équation risque / sens de l’action est à trouver. La vie est une maladie mortelle, toute la question est de savoir où on met le curseur…

Car est en jeu la manœuvrabilité dans le premier cas et la liberté dans l’autre, dans la manière de les appréhender.

Et cela conduit parfois carrément à des non sens ou des impasses.

Je citerais deux exemples, pour illustrer le propos :

-    Dans le monde de l’entreprise, on conditionne les salariés pour qu’ils apportent le maximum dans leur contribution à la Valeur Ajoutée. Le principe d’énergie cinétique précité fait que, dans un contexte de « guerre économique », l’entreprise ne s’arrête pas à la valeur du gain mais à la progression du gain ; ainsi voit-on des cadres de plus en plus « sur-pressés », cela valant pour la plupart d’être « sur-stressés ».  Regardons alors, le paradoxe et l’impasse pour les managers. Dans leur Contrat de Performance, ils ont tous, entre autre objectifs, deux indicateurs, que sont la « Valeur Ajoutée Économique Humaine »  (HEVA = EVA ÷ ETPs), d’un côté, et le fameux « Tf » taux d’accident du travail, de l’autre. Travaillant dans un grand groupe international, cela m’interpelle chaque année de voir le déception du patron quand il voit tous ces investissements (campagnes d’information, signalétiques, formations)  accoucher d’un « Tf » qui n’arrive pas décidemment pas à percer une asymptote. Et bien les deux indicateurs cités plus haut ne font pas « naturellement » bon ménage.

-     Dans le monde extraprofessionnel, je citerais un exemple extrêmement édifiant : la pression toujours plus grande sur les « fumeurs ». Notre société moderne - oh combien vertueuse (adjectif qui m’hérisse bien souvent par l’hypocrisie qu’il porte en lui) -, abreuve ces citoyens d’alerte face aux risques encourus par le tabac. Cet acharnement a toujours provoqué en moi un brin de suspicion. Pourquoi donc, s’immiscer, à ce point, dans des choix d’adultes (je choisis ce mot, car le choix, en l’espèce, est litigieux pour les adolescents). Bon sang, si un individu de par son équation personnelle (naissance, histoire et surtout faim de vie), préfère profiter du plaisir ou de l’apaisement que lui procure le tabac pour avancer dans la vie, que de vouloir prolonger celle-ci coute que coute, c’est un droit « suprême » qu’il est tout-à fait inacceptable de lui enlever.

Au passage, deux remarques :

-     la cigarette était de mise il y a plus de 50 ans (les films noir et blanc nous l’atteste largement) et il ne semble pas que les cancers du fumeur aient été si prégnants, 

-     en revanche, depuis, on a assisté à une très forte accélération des diverses pollutions inhérentes à « la société moderne » (dans l’air les  CO², NO²,…, dans nos assiettes, les différents composants des engrais, dans notre  eau de consommation, la pollution liée à nos rejets qui est re-trafiquée pour être conforme à des ratios fixés par des experts (!!)). Mais là l’économie de la cité a d’autres priorités…

Pour en revenir au tabac, un article de presse m’a apporté un bout de réponse au zèle symptomatique apporté aux campagnes de dénigrement. L’auteur de l’article expliquait, sans ambages, que les conséquences négatives du tabac coûtaient à la société très cher : on pensait tous, aux soins apportés aux cancéreux du poumon ; ils ont grossis si on regarde le  coût complet qui intègre les recherches, les coûts de construction, d’utilisation et de maintenance d’appareils toujours plus pointus ,…). Mais, je n’avais jamais vu évoquer dans les coûts supportés par la société, le manque à gagner provoqué par ceux qui n’en réchappait pas !... Il est alors indéniable que l’on constate moins de rentrées d’impôts (directs, mais aussi indirects si l’on considère que le taux de cotisation pour cette population est la même que pour le reste de la population (il y a plus d’actifs « imposés » que d’inactifs ou de « non imposés »).

Pour conclure,  il y a une grande hypocrisie et une myopie volontaire dans le sacro-saint dictat de la sécurité.

La majorité semble s’accommoder d’une vie longue et sans saveur, comme si leur seul critère était de  « rester le plus longtemps sur cette terre, se souciant beaucoup plus de leur intégrité physique que de l’élévation de sa pensée ». Cela fait l’affaire d’une économie sans âme…

Et, c’est ainsi que l’on retrouve, toujours plus nombreux, des nonagénaires ou plus, séniles, avec l'interdiction de fumer une petite clope mais l'obligation de regarder, tous ensembles, attachés sur leur fauteuil... un épisode de l’inspecteur Derrick.

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