Les limites du consumérisme

lambdaprime Par Le 09/05/2015 à 16:59 0

Les limites du consumérisme …

Dans nos sociétés, les modèles économiques basés sur la consommation incitent l’activité à, au-delà de l’inévitable recherche de performance, chercher des niches inexplorées ou partiellement explorées, s’il veut survivre. Cela couvre tous les aspects de la consommation : le plus, le mieux, le plus pratique, le moins cher …

Ce constat est d’autant plus déterminant dans un contexte économique en récession.  

Dans cette saga consumériste, les premières sources d’innovation ont consisté à « massifier » l’offre, faisant grimper la rentabilité ; ainsi, les grandes surfaces ont vu le jour, puis les très grandes, puis les « hyper ». A la clé, le double avantage du regroupement de tous les articles en un lieu unique et celui du gain apporté pour le porte-monnaie du consommateur.

Pour améliorer l’attractivité, de nouveaux concepts se sont greffées : la livraison à domicile, les cartes de paiements différés,…

La numérisation de la société a permis d’aller encore beaucoup plus loin. Avec l’arrivée d’Internet, est apparu un autre mode de consommation : l’e-commerce. On est arrivé, cette fois, à proposer au client, une diversité d’articles par domaine quasi infinie et un confort optimum : de multiples aides en ligne pour la sélection de ses articles, disparition de la contrainte de déplacement, possibilité de renoncer à son achat après livraison…

Ce cran supplémentaire dans l’organisation de la consommation accroit la profitabilité grâce à une encore plus grande massification des produits et à la mutualisation des moyens opérationnels (manutention, suivi des commandes,…).

Mais dans ce contexte, quid du petit commerce de proximité ?

 La première évolution (massification) a sérieusement abîmé son tissu, naguère très fin : elle l’a tué instantanément dans les petites localités pendant que s’organisaient, tant bien que mal, des cohabitations dans les villes plus importantes.

La deuxième (numérique) continue l’œuvre de déconstruction. On voit maintenant les villes moyennes inexorablement perdre leurs petits commerces, un par un. Leurs marges de manœuvre n’existent plus. Pour beaucoup, continuer revient à financer eux-mêmes leur activité !!

 Il est vrai que ce constat en rejoint beaucoup d’autres relatifs aux modes de vie (les « petites » lignes de chemin de fer, les services publics locaux, …). Il est cependant dommage de constater que les conséquences dérivent directement de nos inconséquences :

-    on veut gagner du temps, toujours plus de temps, pour approcher l’asymptote virtuelle  de l’instantané, tout en profitant de prix totalement optimisés : l’e-commerce est la réponse idéale,

-    on veut, quand-même, avoir la possibilité - pour certains produits de les « toucher » et de les « voir » ; mais tout en gardant, bien sûr, l’avantage temps et, bien sûr, un prix attractif : les « grandes surfaces » répondent parfaitement à cette attente, 

-    et on veut aussi, avoir parfois la possibilité d’échanger avec son vendeur pour avoir, en plus de la vision et du toucher, un conseil spécialisé (le boucher qui connaît ses goûts et ses besoins en volume, le libraire qui connaît ses attentes et la réponse dans l’univers pléthoriques des publications). A noter, au passage, que ce dernier mode participe grandement à la vie sociale des personnes isolées ou plus âgées, au travers des liens humains qu’il oppose au monde de plus en plus désincarné.

 S’agissant des librairies, (j’ai été pleinement confronté à cette réalité (*), j’ai relevé la préconisation, qui figure dans plusieurs rapports du ministère de la culture, de marier la proximité et le conseil, d’une part, et le recours au réseau web, d’autre part.

Cependant, l’exploration de telles voies se heurte à des conflits d’intérêts chez les distributeurs. Il est donc très complexe à construire. (les « indépendants n’ont pas la culture du réseau qui s’il était totalement développé aurait, peut-être une chance de peser dans le rapport des forces).

En conclusion, si on part du postulat que :

-     Un adulte doit savoir faire un choix pour toute chose et dans toute situation : c’est ce qui le caractérise de l’enfant pour qui tout semble permit,

-     Les attentes sont par nature dispersées dans une société faite d’actifs, d’inactifs, de jeunes, moins jeunes et de  personnes âgés,

il me semble que nos représentants politiques, notamment locaux, ont le devoir de rappeler aux concitoyens cette réalité et par-delà,  de les accompagner dans la prise de conscience que chaque choix implique un RENONCEMENT.

 

Il est clair que, les choix collectifs doivent être guidés vers des renoncements choisis et non manipulés, pour des intérêts souvent douteux, par la lâche acceptation de l’assouvissement sans discernement de toutes les envies. Cette dernière se traduisant inévitablement par une gestion publique absconde et  d’inévitables « pots cassés ».

(*) nous avons fait l’expérience - avec ma femme - de reprendre une librairie dans une ville de 6 500 habitants. Comme toute librairie indépendante et, ce, depuis un certain temps, la viabilité financière est assez critique. Le prix imposé depuis la loi « Lang », conjugué à un édifice d’intermédiaire (que seule la France arrive à construire !) conduit à une « marge produit » extrêmement faible ; et, ce de façon totalement antisymétrique  aux exigences  de compétences et de disponibilité qu’il réclame !...

Nous avions une clientèle assez conséquente eu égard à la taille de la ville, et fidélisée par une compétence, de longue date, reconnue.

Mais ce fut sans compter sur la décision de l’équipe municipale qui, pressée de satisfaire, à première vue, le plus grand nombre (d’électeurs potentiels ?), d’ouvrir une concurrence dans une grande enseigne de la distribution : taille comparable à la librairie indépendante.

Evidemment, les vrais (1) lecteurs sont restés fidèles à leurs libraires et les consommateurs de livres (1) se sont mis tout de suite à les acheter (cadeaux aux grand-mères, à la fête de pères,…) sur place, au sortir de leur courses hebdomadaires.

Si l’on rajoute, les achats de livres en ligne (2) qui se sont mis à « aspirer » un nombre croissant de clients, notre Chiffre d’affaire a perdu près d’un tiers de sa valeur, très rapidement. L’équation économique du commerce est ainsi passé inéluctablement, de serrée à insoluble.

 

(1) je n’y mets strictement aucun jugement sur les individus

(2) nous avons appris (par la suite) que les grands noms de l’e-commerce avaient pu négocier, eux, un allègement de la multicouche d’intermédiaires. Leurs marges s’en trouvèrent ravies…

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